Le prêcheur vedette des banlieues professe un antisémitisme virulent
Cécilia Gabizon
[28 octobre 2004]
Le Figaro
Deux heures de pure haine contre les Juifs. Dans une cassette en français vendue sous le titre Palestine, histoire d'une injustice, le prédicateur Hassan Iquioussen déploie tranquillement toute la phraséologie judéophobe coutumière à certains islamistes (voir ci-dessous).
Or Hassan Iquioussen n'est pas un obscur excité. Cet homme d'une quarantaine d'années est l'un des prédicateurs vedettes de l'Union des organisations islamiques de France (UOIF, proche des Frères musulmans). Les dirigeants de l'UOIF n'ont pas souhaité s'exprimer sur cette cassette.
Peu connu du grand public, Hassan Iquioussen est très populaire auprès des jeunes musulmans et ses interventions au rassemblement annuel de l'UOIF au Bourget sont particulièrement suivies. Son audience dépasse les cercles de l'UOIF. Car depuis qu'il a abandonné ses études au stade d'un DEA d'histoire, il y a près de quinze ans, il se consacre à la diffusion de l'islam. On le considère comme l'un des pionniers de la reconquête religieuse chez les enfants de l'immigration.
En plus de ses interventions dans les locaux de l'UOIF à La Courneuve où il forme des militants et donne des conférences, il parcourt le nord de la France et la région parisienne de salles municipales en locaux associatifs sans oublier les mosquées pour porter la bonne parole.
Des milliers d'auditeurs assistent à ses prêches, où hommes et femmes l'écoutent séparés. Ses conférences, éditées par la maison Tawhid, se vendent à des milliers d'exemplaires. Dans un style populaire, racontant des épisodes du Coran en mêlant la gouaille et les expressions en arabe, Hassan Iquioussen se présente comme prédicateur de la banlieue. Une sorte de Tariq Ramadan des quartiers, né à Lille dans une famille d'immigrés marocains.
Élevé dans la tradition plus que dans la religion, cet autodidacte commence son parcours militant avec la révolution iranienne de 1979. Encore adolescent, il décide d'épouser la cause de l'islam et des musulmans. Une licence d'arabe, une maîtrise d'histoire, des lectures assidues, la fréquentation intense d'étudiants étrangers aboutissent au militantisme. Il s'investit dans la Ligue islamique du Nord, qui représente l'UOIF localement, et participe à la fondation des Jeunes Musulmans de France, une autre structure de la mouvance UOIF. Très vite, il devine les attentes des jeunes issus de l'immigration en quête d'identité. «Ils veulent renouer avec leurs racines que certains ont voulu leur extirper», affirme le conférencier au site Internet musulman Saphirnet. A des adolescents parfois rebelles et souvent désemparés, il dresse alors un portrait flatteur du musulman : «Plus honnête que les autres, fraternel, bon citoyen. L'islam interdit même de frauder dans le métro.» Ce discours de la morale, où l'islam s'immisce partout, a séduit des maires qui l'accueillent dans leurs communes. Ceux-ci ne devaient pas savoir que la contrepartie à son enseignement de la morale version islamique s'appelait la haine des Juifs.
Dans sa conférence «La Palestine, histoire d'une injustice», le prédicateur compare le Hamas à Jean Moulin
«Les Juifs ne cesseront de comploter contre l'islam»
C. G.
[28 octobre 2004]
Sous le titre La Palestine, histoire d'une injustice, une conférence en français du prédicateur Hassan Iquioussen, enregistrée il y a dix-huit mois, est une véritable charge antisémite. Vendue dans des librairies musulmanes et via Internet sous forme de cassette, cette causerie dresse un portrait haineux et nauséabond des Juifs : «ingrats», «avares», des gens qui vivent «entre eux, dans des ghettos car ils ne veulent pas se mélanger aux autres qu'ils considèrent comme des esclaves». S'ensuit une litanie d'accusations, liées à des épisodes du Coran : les Juifs «ont toujours méprisé les êtres humains» et «n'ont aucun scrupule à tuer des prophètes». Le prédicateur raconte notamment comment une juive a tenté d'empoisonner le prophète pour vérifier s'il était vraiment l'envoyé de Dieu. Mahomet survécut et pourtant, «elle ne s'est pas convertie. Voyez l'entêtement». Les Juifs «ne respectent rien», poursuit-il. Ils sont «le top de la trahison et de la félonie». Depuis ce temps, «les Juifs ne cesseront de comploter contre l'islam et les musulmans».
Les caractéristiques des Juifs expliqueraient, selon lui, l'actuelle situation de la Palestine. Félons, les sionistes auraient ainsi poussé «Hitler à faire du mal aux Juifs allemands pour les forcer à partir», affirme le conférencier. Car, «le but des Juifs c'est de faire Eretz Israël, du Nil à l'Euphrate, du sud de la Turquie jusqu'à Medine. Ils ont sorti des pièces de monnaie, des cartes du grand Israël, c'est connu, ça», insiste-t-il devant un public que l'on devine étudiant et qui ne proteste pas. Les Arabes ayant tenté de faire la paix avec Israël sont qualifiés de «traîtres». Le président égyptien Anouar el-Sadate est dénigré comme un «agent américain». Yasser Arafat et ses hommes sont présentés comme des dépravés, le chef de l'OLP discutant en secret depuis des années avec l'État hébreu. Seuls les vrais musulmans, les «martyrs», «moudjahidins» défendent, à l'entendre, les Palestiniens. Ces croyants ont créé le Hamas, qui signifie, selon Iquioussen, «ferveur, entrain, la pêche. Ces sont des gens qui vont jusqu'au bout. La branche armée travaille très bien. Elle fait du bon boulot».
Pour légitimer les attentats commis par cette organisation, le prédicateur la compare à Jean Moulin : «Un héros qui a tué des Allemands pour libérer son pays. C'est ce que font les Palestiniens. Ahmed Yacine, c'est Jean Moulin.» Et de conclure : «Israël est un État qui n'a pas lieu d'être.»
Interrogé, Yamin Makri, le directeur des éditions Tawhid qui diffuse la cassette, se désole : «Un auditeur nous a alertés. Exceptionnellement, nous n'avions pas vérifié le contenu de la cassette.» Ce responsable proche de Tariq Ramadan et du Collectif des musulmans de France affirme avoir donné des ordres, il y a huit mois, pour que cette cassette soit retirée de la vente. Elle est pourtant en vente.
Joint au téléphone, Hassan Iquioussen semble en revanche assumer :«Je décris des épisodes relatés dans le Coran. Vous ne voulez pas abroger le Coran ?» Il propose cependant d'en débattre en public. «Qu'on me prouve que j'ai tort et je changerai d'avis !»